CHRONIQUE DU PATRIARCHE LACUSTRE (PL)

 

Quand le sorcier refuse de tuer…

 

Loin de la négation de l’existence la sorcellerie en tant que pouvoir occulte présent dans la conscience collective des noirs africains, il est important de limiter la trop grande puissance qu’on tente souvent de lui attribuer. D’ailleurs, plusieurs événements et faits de la société sont facilement associés à cette puissance très redoutée et redoutable dans les sociétés africaines traditionnelles. Elle rythme quasiment la vie dans tous ses aspects. Quand les prières montent en ferveur dans les églises, c’est souvent contre la sorcellerie. Le cri d’un oiseau nocturne connu à tort ou à raison comme véhicule de prédilection du monde de la sorcellerie, suffit pour ébranler le sommeil de bon nombre de béninois qui se mettent à prier avec toute leur force. 

 

Or, de plus en plus, une grande campagne de changement de mentalité autour de cette réalité endogène s’obverse au Bénin de sorte à faire croire aux uns et autres que la sorcellerie n’est pas forcément une force nuisible. Cette campagne semble connaître son pic depuis que le célèbre journaliste Florent Eustache Hessou a mené des recherches sur cette réalité dans le cadre de sa thèse de doctorat en sociologie à l’Université d’Abomey-Calavi. Désormais, le sujet est évoqué avec plus d’aisance dans toutes les sphères. 

 

D’ailleurs, c’est avec brio que le professeur Mahougnon Kakpo dans sa mission d’amener les béninois à faire le distinguo entre le vodoun, le Fâ et la sorcellerie, relate l’origine de cette force mystique qui caractérise des sociétés secrètes.  A qui veut l'entendre, le professeur d’Université affirme qu’à l’origine, la sorcellerie n’avait rien de nuisible. Elle serait même une puissance salvatrice propre à certaines femmes accoucheuses selon l’historique de cette force mystique. Mais ce pouvoir serait devenu nuisible par esprit de vengeance de ces femmes contre des hommes jaloux qui les avaient persécutées. 

 

Mais comment changer cette mentalité que nous avons de la sorcellerie depuis des lustres ? La sorcellerie semble avoir en réalité perdu tout ce qu’elle aurait de positif en elle. Puisque dans la plupart du temps, si le sorcier ou la sorcière refuse de tuer sa victime, c’est pour lui infliger une souffrance atroce dans l’âme et dans son corps. Il suffit de fréquenter certains milieux d’exorcisme pour se rendre compte combien la sorcellerie ravage des vies. Selon cette conscience collective que nous avons de la sorcellerie, elle explique des vices que traînent des hommes et des femmes que certains sorciers ou sorcières ont refusé de ‘’manger’’, et qui prennent plaisir à les voir souffrir.

 

Dans ce menu mélo de croyance pour les uns et de superstition pour les autres, il est difficile de faire la part entre les vices causés par la sorcellerie et les déviances dues à une éducation ratée ou à l’inconscience. Alors, d’aucuns vous diront sous nos cieux que certaine prostitution et infidélité sont l’œuvre de la sorcellerie de même que la kleptomanie ou l’abandon de sa famille. D’autres vont jusqu’à attribuer leur pauvreté ou leur échec dans tel ou tel domaine à une sorcière ou sorcier qui prendrait du plaisir dans ces faits. 

 

Néanmoins, des esprits éclairés qui ne nient pas l’existence de la sorcellerie, savent que dès qu’une femme ou un homme qui est sous l’emprise de la sorcellerie devient conscient de son état et prend une ferme résolution de renverser la vapeur, il y parvient toujours. Il est donc clair que la prise de conscience et la volonté sont de puissants antidotes à tout pouvoir de sorcellerie autre que celui-là qui transformerait la victime en cabri ou en poisson pour le régal des sorciers à leur rencontres nocturnes.     

 

Edouard ADODE

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